Quand je serai grande, je serai enseignante

À l’âge de 8 ans, de nombreuses petites filles rêvent de devenir institutrice. Les petits garçons se voient pilote, astronaute ou pompier. Les enfants voient la réalité avec leurs propres yeux, admirent les personnes autour d’eux et y voient un reflet de ce qu’ils aimeraient un jour devenir. Les enfants ne calculent pas. Ils observent. Ma question est la suivante : pourquoi, en grandissant, ces mêmes enfants méprisent-ils parfois ces rêves d’antan ?
Membre de la Génération Y, et enseignante à plein temps (c’est-à-dire 20h de cours par semaine,), je ne suis sans doute pas la plus objective pour écrire sur l’enseignement. Et si je l’étais en fait ? Qui de mieux placé après avoir franchi le seuil fatidique des 5 ans dans l’enseignement sans la moindre envie de le quitter, pour décrire ce que vit le maître d’école 2.0 ? De mieux qualifié pour parler des piles de corrections qui ne disparaissent pas une fois la classe quittée, ni le weekend arrivé ? Pour décrire le stress engendré par une classe de 30 ado en recherche d’identité et guettant le moindre faux pas, le moindre défaut de la personne en face d’eux ?
Entre 20 et 24h de cours par semaine, 12 semaines de congé par an, un avenir sûr (peu de risque de restructuration dans l’enseignement), l’assurance de profiter de sa progéniture dès 16h chaque jour, etc. De quoi se plaint-on ? Le job en or…
Oui mais alors, comment expliquer qu’un jeune prof sur trois abandonne l’enseignement dans les cinq premières années ? Comment expliquer le taux de burn-out particulièrement élevé au sein du corps professoral ?
J’enseigne. Par choix. Par passion. Par conviction. J’aime mon métier, ses bons et ses moins bons côtés, je profite de ses privilèges et m’adapte aux inconvénients. Comme tout le monde. Alors pourquoi, me considérer comme une espèce à part et si privilégiée ? Ne puis-je pas également être un brin épuisée en fin de journée ? Dois-je me justifier quand je quitte mon lieu de travail à 15h, et qu’un second shift de corrections / préparations m’attend pourtant à la maison ? Je réclame le droit à la reconnaissance et la fin de cette dévalorisation permanente dans le chef des parents, des enfants, des amis, mais également de nos chers dirigeants s’amusant à créer décret sur décret et remettant ainsi chaque jour un peu plus la légitimité de l’enseignant en question. Je réclame simplement le droit de pouvoir dire « je suis prof, et j’en suis fière » !
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